Longtemps peu reconnue, la recherche en sciences infirmières est en train de s’affirmer, en profitant de la nouvelle dynamique créée par l’universitarisation des études.
Alors qu’outre-Atlantique, le concept est apparu, dès le début des années 1950, avec la première revue Nursing Research, la recherche en soins infirmiers a tardé à trouver sa place en France. Ainsi, le Programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP) n’existe en France que depuis 2009, alors que son équivalent pour les médecins a fêté ses 30 ans en 2023. Le résultat, c’est que « contrairement aux médecins, la recherche n’est pas culturelle chez les paramédicaux », observe Guillaume Cédric, le directeur des soins du Centre de lutte contre le cancer (CLCC) de Montpellier, qui coordonne le groupe recherche d’Unicancer, organisme qui fédère les dix-huit centres de lutte contre le cancer.
Les choses changent et une nouvelle dynamique est en train de naître avec l’universitarisation des études en sciences infirmières.
L’AP-HP en est un bon exemple. À l’initiative de son directeur général, Nicolas Revel, une feuille de route a été établie autour de plusieurs priorités : poursuivre l’essor de la recherche, proposer des évolutions des missions des soignants en lien avec l’université, faire de la recherche et de l’innovation un axe d’attractivité de l’AP-HP et, surtout, intégrer les données de la recherche dans les pratiques. Loïc Morvan, coordonnateur général des soins, préfère parler de recherche en soins, car « cela concerne tous les professionnels qui concourent à la prise en charge du patient » et fait état de cent onze projets déposés au titre des PHRIP de 2017 à 2022 et de deux cents professionnels inscrits sur le portail SIGAPS , l’outil en ligne qui recense les publications scientifiques des établissements de santé. Des chiffres qui témoignent du dynamisme de la recherche en soins dans les hôpitaux parisiens !
Au-delà de l’AP-HP, la dynamique actuelle est véritablement nationale. Chaque année, plus d’une vingtaine de projets sont financés au titre du PHRIP ! Pour la première fois, Unicancer a travaillé sur un projet de recherche paramédicale commun aux dix-huit centres sur l’accompagnement des patients pour mieux gérer la douleur après radiothérapie dans les cancers pelviens, gynécologiques ou du rectum. Un deuxième projet est en réflexion sur un soutien des infirmiers libéraux dans le développement des compétences en cancérologie.
La recherche en soins suppose que les professionnels du soin soient sensibilisés et formés. Ainsi, le CLCC de Montpellier a mis un place un groupe de soignants dont la mission est de rencontrer les équipes et de leur montrer « que la recherche est possible, qu’elle n’est pas réservée qu’aux médecins », indique Guillaume Cédric. Des formations à la recherche ont également été mises en place. C’est le cas également à l’AP-HP où les cadres de santé bénéficient d’une formation pour les aider à accompagner leurs équipes. La Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (FNESI) souhaite que la formation à la recherche soit intégrée dès la formation initiale.
Le développement de la recherche en soins suppose surtout que les soignants aient un temps dédié à cette activité. Pour Loïc Morvan, « Il faut intégrer le temps de recherche dans l’activité professionnelle de l’infirmière ». La solution pourrait passer par des statuts de « bi-appartenants » sur le modèle de ce qui existe pour les médecins hospitalo-universitaires. Un sujet aujourd’hui en débat dans les travaux en cours sur la réforme de la profession d’infirmier.
« À terme, recherche en soins et recherche médicale ne devraient plus former qu’un. On a encore du chemin à faire mais les choses avancent ! » pour Loïc Morvan, résolument optimiste pour l’avenir.
Rendez-vous au Salon Infirmier 2024 pour en débattre !